Le portail menant à Eternia est devant toi, te laissant une seule et unique sortie à cet enfer. Derrière, ton pays. Tu penses ton pays car tu y es né, tu y as grandi. Tu es l’un de ses princes, ta famille gouvernant le pays depuis des décennies. C’est donc ton pays. Celui que tu détestes, qui te fait peur, qui ne te laisse aucun espoir ni avenir. Malgré ton statut et le pouvoir dont tu aurais pu profiter, malgré tes privilèges, tu ne retiens rien de bien ici. Tu ne retiens que la haine et la violence, l’horreur d’appartenir à une famille qui te déteste et n’a jamais changé d’avis. Le peuple n’a, à tes yeux, rien de bon non plus. Corrompu, ou trop décalé par rapport à toi, tu ne t’es jamais senti bien parmi eux. L’ambiance de ce pays est malsaine, et tu as toujours voulu le quitter.

Pourtant, tu n’as jamais réussi. Par crainte des représailles si tes parents désapprouvaient, par manque de ressources une fois seul, parce qu’on t’en a habilement empêché… Les raisons sont nombreuses et au final, ton pays est surtout une prison. Une prison que tu n’as quitté qu’occasionnellement au cours de tes vingt-et-une années d’existence. Tu as bougé, mais tu es toujours revenu ici, obéissant malgré toi à tes parents. De ce qu’on te rabâche depuis ton plus jeune âge, ta mère est passée à un cheveux de la mort en te donnant naissance. Pour l’avoir mise en danger, pour avoir failli gâcher la vie de ton père, ta sœur, ton frère, et surtout celle de ta mère, tu dois t’écraser et obéir. C’est stupide. C’est la peur, bien plus que les remords, qui guide tes pas.

Actuellement, ta terreur est si forte que tu as vomi trois fois dans l’heure. Tu n’as aucune affaire importante sur toi. Roman, ton frère, t’a glissé un peu d’argent et ta pièce d’identité, mais c’est tout. Tu as merdé. Plus que jamais. Tu as ruiné la plus grande négociation entre ton pays et celui des alligators, le dernier point à compléter pour que tes parents élargissent leur réseau, leur marché. Ils devaient gagner en puissance, être encore plus grand ! Et tu as tout fait raté en t’attirant les foudres de la princesse. Ils te l’ont fait sévèrement payé depuis cet accident, il y a à peine une semaine. Puis ils t’ont condamné à l’exil, tu ne leur sers plus à rien. Ça, c’est sur le papier. La réalité est assez évidente, elle prend la forme d’une arme à feu braquée sur toi. Le coup part,  mais il ne t’éclate jamais la cervelle. Ton frère t’a poussé à temps à travers le portail, profitant du désarroi pour le fermer derrière toi. C'est lui qui tenait l'objet permettant de le fermer, tes parents le lui avait confié.

Tu atterris dans la forêt d’Eternia. Ta joue droite te lance terriblement, la balle a glissé dessus et te laissera une cicatrice. Le sang ne cesse de couler et ta vision est floue. Cependant, tu ne dois pas rester ici, c’est trop risqué. Ce serait étonnant qu’on te poursuive, mais tu ne veux pas tenter le diable.

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L’adaptation est difficile. N’ayant pas beaucoup d’argent en ta possession, tu dois te trouver un logement très peu cher. Ainsi, tu finis dans les bas-fonds. Tu aurais pu aller à Ereno, mais tu n’as clairement pas envie de t’embêter avec ce genre de choses. Tu as déjà reçu une excellente éducation, les études attendront. Ensuite, tu dois trouver… un boulot. Tu n’aurais jamais cru devoir travailler un jour. Tu finis par trouver, dans un café. Un café, sérieusement. C’est une horreur, mais ça te permet de ne pas finir à la rue. On ne peut pas dire que la reconstruction de ta vie soit un succès, c’est très compliqué. En plus, la technologie ici est plus évoluée que dans ton pays. Tu t’y adaptes lentement et, six mois après ton arrivée chaotique dans ce pays, tu as tout juste l’impression de t’en sortir un minimum.