Malgré l’hiver bien installé, cette journée promet d’être particulièrement agréable. Le soleil est haut dans le ciel, il fait frisquet mais pas trop, blablabla le temps et ses aléas… Je n’ai pas tellement envie de m’étaler sur l’état du ciel, sachant qu’il est extrêmement changeant et que de toute façon, je vais passer ma journée dans les boutiques ! Tout ce que je souhaite, c’est qu’il ne pleuve pas. J’ai pas passé 3h à me coiffer et à me maquiller pour qu’une averse gâche tout. Le maquillage passe encore, j’ai eu la main légère aujourd’hui, mais mes cheveux… Peut-être devrais-je arrêter de mettre des trucs dedans, comme des perles, ça éviterait que tout s’emmêle. Mais c’est joli, et c’est un grand plus à ma tenue. Elle est, comme d’habitude, parfaitement bien pensée.

Bref, tout ça pour dire que la journée a bien commencé et que rien n’augurait le problème à suivre. Je marchais tranquillement d’une boutique à une autre, mon sac se remplissant déjà d’achats indispensables, quand mon attention fut détournée par un artiste de rue. Un illusionniste, plus particulièrement, qui doit être installé là depuis peu vu la taille du rassemblement autour de lui.  Une famille, un couple, une veille avec son chien… Et Owen ! Je m’approche tout de suite de lui. Même si je ne lui ai pas souvent parlé, ça me fait toujours plaisir de croiser quelqu’un que je connais. J’avoue ne pas lui accorder trop d’importance, sauf quand il n’y a personne pour parler… C’est un peu comme ça avec tout le monde, je n’ai pas d’attaches particulières dans la classe.

« Salut ! Comment ça va ? Tu es là depuis le début, qu’est-ce qu’il a fait ? C’est super cool ce genre d’animation, ça devrait arriver plus souvent ! »

J’aurais bien parlé encore un peu, mais l’illusionniste demande des volontaires pour un tour de magie, impliquant des menottes. Il attachera deux personnes et fera jouer la magie. Il ne me faut pas deux secondes pour réagir. Avant même que les enfants se manifestent, je lève la main et me porte volontaire. Sauf qu’il en faut deux… Ni une, ni deux, j’attrape la main d’Owen.

« On est deux ! »

Oui enfin pas tout à fait… Je souris à Owen, espérant une réponse positive.

« Si tu es d’accord, bien sûr. »

C’est toujours un peu marrant de parler à Owen, il est trop lent et on dirait qu’il lag quand il répond. Je vais peut-être trop vite, aussi… Le plus important dans tout ça c’est qu’il accepte d’être volontaire avec moi ! Je le serre rapidement dans mes bras en remerciement, puis on s’avance vers l’illusionniste. Bon, clairement, sa tête donne moins envie de près que de loin mais ça va être sympa quand même, non ? J’ai hâte de voir le tour de magie, ne me doutant pas du tout de la malhonnêteté du gars. En plus on est au centre des regards, j’adore ça ! Je ne sais pas pour Owen, mais actuellement il doit faire avec.

L’artiste nous explique alors qu’il va nous lier avec les menottes, et qu’il réussira à nous libérer sans les clés. Mouais, c’est vraiment un tout petit tour de magie. Je tends nos mains (je tiens toujours celle d’Owen), et il passe les menottes. Ensuite, ça va vite. Il fait des zigouigouis bizarre avec ses mains, de haut en bas, autour de nous, puis… Il se barre !! Quoi ?! C’est ridicule en plus !! Il part en courant, devant les yeux de la foule ! Tout le monde peut le suivre du regard ! Par contre, personne ne bouge. On est sûrement tous trop étonné pour réagir. Gast… J’ai honte. J’espère qu’il n’a rien embarqué avant de s’enfuir.

On a l’air franchement débile, plantés là avec nos menottes. J’adresse un sourire désolé à Owen, mes yeux glissant sur nos poignets.

« C’est un signe du destin, nous sommes liés ! »

Comme si c’était le moment de faire de l’humour. A vrai dire, je préfère faire ça que de paniquer. On trouvera bien une solution…

« Plus sérieusement, excuse-moi de nous avoir mis dans cette posture… Peut-être qu’il a laissé les clés dans son sac ? »

Cet arnaqueur a oublié de prendre ses affaires. Je m’avance et me penche donc pour fouiller, oubliant le lien avec Owen. Il se retrouve donc tiré en avant, et moi, ça me coince le bras.

« Ah ! Ça va pas nous arranger. »

Quelques personnes se proposent pour nous aider pour fouiller les affaires. Aucune clé en vue. Quelqu’un propose de scier. Merci mais non merci, hein.

Quand Owen me demande de l’aider à ouvrir un bouteille d’eau, je ne comprends pas. Je l’aide malgré mon incompréhension, mais je n’hésite pas à lui en faire part.

« Je sais qu’on dit « hydrate toi » dans les situations difficiles pour garder les idées claires mais Owen, on devrait pas chercher autre chose ? »

Pour ma part je n’ai pas de soucis de déshydratation.  Cependant, son idée apparaît plus clairement quand il réussit à ouvrir la bouteille. Il fait tournoyer l’eau dans les airs, offrant un spectacle supplémentaire aux personnes alentours, avant de l’insérer dans les menottes. C’est pas bête du tout, c’est génial même ! Faites qu’il réussisse, et on sera vite débarrassés de ces entraves ! Afin de l’aider, j’essaie de faire taire les gens. On a compris qu’ils veulent aider et c’est très gentil, mais faut patienter deux minutes. Et pas s’approcher si po… Ma doué, voilà pas qu’un badaud pousse Owen et ruine son travail ! C’est fichu. La mine catastrophée, je regarde les menottes, puis Owen. Il s’excuse, quand bien même ce n’est pas totalement sa faute.

« C’est… On va attendre c’est pas grave. »

Ma patience n’est pas la même quand il tend la main vers le monsieur à la scie. Une scie, une hache ? JAMAIS. C’est trop risqué ! Qu’est-ce qui lui passe par la tête, voyons ! Je tire sur les menottes pour l’empêcher d’avancer, déterminer à ne pas bouger.

« N’y pense même pas ! Tu ne voudrais pas que cette personne se rate, non ? Je ne veux pas prendre le risque de perdre mes mains ! De si belles mains, ce serait une catastrophe, que dis-je… le commencement de la fin du monde si je perdais ne serait-ce qu’un doigt ! Je n’ai pas passé 5 heures à faire ma manucure pour la perdre aussi bêtement. »

Histoire qu’il voit correctement par lui même la beauté de mes mains et de mes ongles, je finis par lui montrer celle qui est libre, après moult gestes pour souligner l’énormité de la proposition. Il fera joujou avec un objet tranchant quand il sera débarrassé de moi, pas avant. Je congédie donc le monsieur en lui disant qu’on trouvera une meilleure solution. Quand il est partie, je regarde Owen :

« Tu ne préfères pas retenter avec l’eau ? Ou… On peut faire fondre les mailles. Ou alors… J’aurais bien dit de les geler pour les casser, mais on peut pas geler seulement les mailles. Je ne sais pas, mais pas quelque chose qui risque de nous faire perdre nos mains. »

Je réfléchis à nos options, avant de décider qu’on peut aller demander de l’aide à la police.

« On peut aller au commissariat, sinon ? Ce sera probablement plus rapide et moins risqué. »

Ah, il n’a pas compris pour le commissariat. Je n’ai pas expliqué mon idée, aussi. On peut peut-être y trouver les clés, on ne sait pas d’où sortent ces menottes, après tout ! Il y a bien un moyen de ne pas couper… Bien sûr, je me résignerai si l’on n’a pas le choix. Mais vraiment, seulement s’il n’y a plus de solutions. C’est beaucoup trop flippant pour que je laisse mes mains à un coup de hache ou de scie hasardeux. Il n’a pas peur, lui ? Il croit qu’on aura la chance de Jack dans Titanic ? Chance toute relative, vu sa triste fin. Alors oui, je préfère qu’on attende. On aurait pu s’en débarrasser avec une épingle, aussi, mais maintenant qu’il y a de la glace dedans…

Quand Owen reprend pour parler des achats, il dévie mon attention l’espace d’un instant. Il veut vraiment faire du shopping ? Lui ? Avec moi ? Il n’a pas la tête, l’attitude ou même les habits qui montrent qu’il pourrait aimer faire ça. Et il parle d’être un poids… ça, ça ne va pas.

« Pourquoi tu serais un poids ? C’est triste de penser ça. Au contraire, tu peux m’aider. Et... »

Je jette un coup d’œil à sa tenue, à son apparence en général. Mouais, y’a des choses à revoir là-dedans. Déjà, comment est-ce qu’il se coiffe ? Je finis par lui sourire avant de continuer.

« Et je t’aiderai aussi, ça ne te fera pas de mal de faire les magasins. Concernant le commissariat, je me disais qu’ils auraient peut-être les clés. Mais chaque modèle est unique, non ? Je n’en sais rien. »

Je hausse les épaules et récupère mon sac, laissé de côté le temps de l’animation. Du moins, j’allais le récupérer. Le problème c’est qu’il n’est plus là ! C’est pas vrai, l’arnaqueur est parti avec ! Heureusement, ma carte de crédit était dans ma veste mais… Ah, tous mes beaux achats !

« Il est parti avec mon sac ! Qu’est-ce que ça lui apporte d’avoir l’ombre à paupières 318 Blurry Green de chez Chanel, ce type était moche comme une brique !! Et mes papiers ! Owen c’est horrible, la chemise Yves Saint Laurent est en rupture de stock en plus ! »

J’en aurais pleuré si ça n’avait pas représenté un risque pour mon maquillage. Cependant, utiliser Owen comme réconfort n’en est pas un. Il n’a peut-être pas l’habitude qu’on se jette dans ses bras suite à la perte d’objets aussi précieux. Je m’en fiche, ça me bouleverse trop. Vous imaginez, vous, mettre 1 400 balles dans du shopping et tout perdre aussi bêtement ?! Je me reprends tant bien que mal, décidant de noyer mon chagrin dans une nouvelle saignée du porte-feuille. Je m’écarte de lui et lui demande :

« Tu as ton sac, toi ? On y va ? »

Non ça n’ira pas ! Comment garder mon calme alors que mes précieux achats ont disparu. C’est terrible, affreux, je ne mettrai jamais assez l’accent sur le désespoir de cette situation ! Puis ce qui me fait du mal, c’est l’absence de mes affaires, j’ai besoin de faire mon deuil. Owen n’en a pas besoin, lui, il a toujours son sac et semble imperturbable. Il se dirige alors vers les affaires de l’illusionniste pour les fouiller, mais je ne veux pas rester ici plus longtemps, je veux faire du shopping. Ça ne sert à rien de chercher dans le sac pourri de cet arnaqueur, on perd juste du temps. Je tire légèrement sur les menottes pour lui signaler mon impatience, quand il sort 200 terras du sac, comme si c’était une trouvaille normale.

Il me les tend alors, pour rembourser mes frais. Quoi ?! Mais pourquoi il les garde pas pour lui ?? C’est très gentil de sa part, je ne sais pas quoi dire. Ah je vais pleurer, c’est trop d’émotions depuis tout à l’heure.

« Owen, tu es un ange… C’est adorable, merci. On partagera. »

Je ne refuse pas les terras mais ne compte pas forcément les utiliser pour moi. Owen commence à s’éloigner alors je le suis donc tranquillement, m’adaptant à son rythme pour que l’on ne soit pas gênés par les menottes. Il me demande alors si je veux retourner à Bluetooth ou Channel, ou à… Yves Saint Longchamp ? Je pouffe de rire en entendant son erreur, il ne pouvait pas exprimer plus clairement son ignorance.

« Yves Saint-Laurent, voyons… ! Et Bluetooth… Hm, pourquoi pas une palette Burberry. Mais ça peut attendre, la chemise était en rupture de stock, je vais vraiment me mettre à pleurer si je la vois sur une affiche. Elle était très bien taillée et était parfaitement assortie à mon pantalon bordeaux… »

Ah non, c’est trop, je ne dois pas y penser. Une vitrine m’offre une très bonne distraction, et je m’arrête brusquement dans mon enthousiasme. Le problème, c’est que je précipite Owen contre la vitre en me tournant vers celle-ci.

« Regarde ç-AH !! Oups, excuse-moi… Ces menottes sont bien embêtantes… »

Je lui offre un sourire désolé, avant de reprendre aussitôt. J’ai pas perdu mon objectif.

« Regarde, je disais. Ça t’irait bien, tu trouves pas. Attends, tourne-toi. »

Je lui prends le poignet par lequel nous sommes liés pour le faire bouger.

« Hm, le problème c’est qu’on ne peut rien essayer à cause des menottes… Et tes mèches dans les cheveux n’aident pas à accorder les couleurs. C’est naturel ? Si non, tu devrais éviter de les refaire. »

Oh non le pauvre ! Il a l’air vexé par ce que je lui dis… C’est dur à entendre, mais bon, c’est pour son bien que je parle de ses cheveux. Par exemple, je suis d’avis de bannir tout.es les blond.es peroxydé.es dans une dimension parallèle que personne ne devra plus jamais voir. Le style n’attend pas qu’on arrête d’être moche, il faut y mettre du sien un peu. Bon, je suppose que c’est facile à dire pour moi qui ne suis, je crois, franchement pas dégueu. Je m’aime bien oui. Pour Owen, si c’est naturel et qu’à la base ça convient à un mode de vie aquatique on ne peut rien y faire. Évidemment que le style anti-gravité ne fait pas un tabac sur la terre ferme…Son style n’est pas tellement ringard, il est… banal. Et pas forcément valorisant.

Quand il dit que les habits sont plutôt beaux, je hoche la tête en souriant. Bien sûr qu’il le sont, et sur lui ce serait très bien ! Il y a plus de couleurs que sur sa tenue actuelle mais ça ne fait pas de mal.

« Le côté pratique, l’habitude… ça peut te faire de beaux habits pour les occasions particulières. Tu ne portes pas les vêtements que tu as là pour sortir ou aller en date, non ? »

J’espère pas pour les yeux des autres. Owen dit alors que les menottes risquent de me gêner, plus que lui. Pourtant, il ne pourra pas mettre la manche du bras qui nous lie. Il a raison concernant la glace, on y gagne à entrer de toute façon. Je ne m’attendais pas à ce qu’il prenne ma main, mais il a eu raison de le faire. Non seulement c’est moins désagréable pour nos poignets, mais c’est aussi moins louche à voir pour les employés. Ils ne comprendraient pas pourquoi on est attachés par des menottes. Owen se plaint aussitôt qu’on passe la porte, pour dire qu’il fait chaud. De toute façon quand t’es dans un magasin c’est pour te déshabiller, donc heureusement que c’est chauffé.

« Non non non, on est entré pour toi ! Viens voir la tenue ! »

Je le traîne donc jusqu’aux vêtements repérés en vitrine pour voir si ça irait. Je détermine d’abord sa taille pour prendre la bonne chemise, avant de la mettre devant lui.

« Hm… ce bleu est très joli, ça fait ressortir tes yeux et il ne choque pas trop avec tes mèches. »

C’est à ce moment qu’un employé décide de s’incruster pour dire à Owen que sa copine à bon goût. De tout ça, j’entends surtout que j’ai bon goût, et donc, j’ai raison, et donc, il doit m’écouter et essayer la tenue.

« Tu vois, même… Igor Sébastopol. Oh… Pauvre monsieur, c’est un nom terrible. Même lui pense que ça t’irait bien. »

Je souris à Owen en lui mettant la chemise dans sa main libre, avant de regarder les vestes qui vont avec.

« Cherche de toi-même, aussi, je ne connais pas tes goûts. Même si… je les devine. Il n’y a rien d’irrécupérable, ne t’en fais pas. »

ça ne sert à rien ?! A RIEN ?! Oh ma doué je vais défaillir… Il ne ressent quand même pas du plaisir à s’habiller n’importe comment, quand même ! Puis c’est comme un jeu d’accorder les couleurs et les styles, c’est une façon de s’exprimer, d’être créatif ! Mieux vaut ne pas répondre… Ah, c’est désespérant. Et Owen n’en finit pas de dire des bêtises. Il me sort que ça ne casse pas trois pattes à un canard et que le prix est dissuasif. Owen, tu es finalement plus compliqué que tu en as l’air. Serait-ce de l’ironie qu’il manifeste ? Non, ça ne peut pas, j’ai effectivement un goût incroyable de la mode et il ne fait que le reconnaître. J’aime bien le voir comme ça. Je finis par lui sourire pour répondre :

« Tu as trouvé 200 terras dans le sac de l’illusionniste, tu peux les utiliser. Puis si tu as besoin je peux payer ! »

Il regarde alors les vestes, optant pour une veste en simili-cuir noire. Oui, très bien, ça va avec tout et il n’a pas l’air de bien prendre mes commentaires. Je ne voudrais donc pas abuser et nous mettre dans une situation délicate alors que l’on est attaché ensemble. Oui enfin, il ne m’aide pas à poser ce genre de questions. « Pourquoi est-ce qu’on fait ça » ? Parce qu’on a rien d’autre à faire que du shopping et qu’il peut bien en profiter pour penser à lui. Il en a besoin.

« Owen ! Ce n’est pas que tu n’es pas à mon goût, c’est qu’à ce rythme-là tu ne seras au goût de personne. Ne le prends pas mal, tu es très mignon quand même et tu as sûrement beaucoup de qualités. Quant à mes affaires, ça peut attendre, nous n’en avons pas terminé avec toi. En tout cas la veste est bien. »

Je ne les ai pas oublié, au contraire. Tandis qu’il explore un monde visiblement très loin du sien, je planifie dans ma tête les magasins qui m’intéressent. Après ça, on ira voir les manteaux dans la boutique d’en face, je n’en ai pas de vert. Je m’arrête prendre un en-cas lors de mes sessions shopping, en général, on peut faire ça aussi. M’occuper de lui permet également de me distraire, ça me plaît de l’aider même s’il n’a pas l’air de le prendre ainsi. J’aurais probablement dû employer plus de douceur dans mes mots, mais je devais lui faire comprendre l’enjeu de son achat.

« Tu veux essayer ? Si tu préfères partir, on peut... Quoiqu’il en soit, je demande maintenant : ça te dit d’aller manger un truc, tout à l’heure ? J’ai envie de pâtisserie, celle à côté de la librairie est une tuerie. Ils ont un thé très bon, là-bas, à base d’algues. Tu dois goûter, absolument. Mais avant j’aimerais passer à la boutique en face, si ça ne te dérange pas. »

Oups, je m’égare. Je lui souris rapidement, attendant sa réponse tout en farfouillant dans les vestes.

Il compte essayer la veste ! Victoire ! Ce n’est pas l’ensemble mais c’est déjà très bien, il est difficile à convaincre. Je lui fais un grand sourire, content.e de sa décision, et lui dis qu’il fait bien et qu’il ne devrait pas regretter. Il se montre alors tenté par la pâtisserie et exprime ses envies du moment. Ah, ça donne faim, trop faim. On ira peut-être directement après ce magasin, au final. Il essaie ensuite la veste et ça lui va très bien. En plus il sourit ! Je suis aux anges. J’ai bien fait de l’apporter ici, pauvre âme perdue dans un manque de style banal. Ah, que c’est bon de sauver des vies ainsi. Bon, j’exagère un peu mais c’est tout comme, j’ai autant de mérite qu’un pompier. Le fait qu’il ne se débarrasse pas de la chemise me fait aussi plaisir.

Owen est interrompu par un vendeur qui nous aurait accosté en jetant des paillettes, si c’était possible. Il me surprend tant il surgit soudainement, mais ça me passe vite. Owen, en revanche, ne semble pas dans son élément. Il ne semble pas dans son élément depuis le début mais ça a l’air d’empirer. Bon euh, par contre… Lui aussi croit qu’on est en couple. PIRE, il veut nous trouver des tenues assorties ! Je jette les mains au ciel, emportant celle d’Owen au passage

« Par pitié ! Vous voyez mon style, vous voyez le sien ? C’était déjà compliqué de lui faire choisir une veste basique alors des tenues assorties ? Va sikour, je n’ose même imaginer le rendu ! »

Avec tout ça, j’ai oublié de dire qu’on est pas en couple… J’apprécie l’intention de ce vendeur, c’est une très bonne personne mais il fait erreur.

« En plus, nous ne sommes pas en couple mais coincé ensemble. »

Ce à quoi il répond qu’on est juste dans une phase difficile, ce n’est pas être coincé ensemble c’est l’amour qui nous teste. Il a une vision sacrément original de l’amour, lui. J’allais lui montrer les menottes pour démentir, quand il présente un haut ma-gni-fique que je veux absolument. Je ris un peu et commence à aller totalement dans son sens.

« Vous nous avez eu, haha, l’amour est toujours un peu compliqué. Dites… Vous faites des réductions ou, appelons ça des soldes privées très privées, pour les couples tout jeunes et tout frais qui ne demandent qu’à être sublimes pour Noël ? La difficulté reste, mais je ne doute pas de vos capacités. »

ça a l’air de faire plaisir au vendeur, et il parle de la réduction étudiante qui peut se négocier. Oh mon dieu, je retire tout ce que j’ai dis, je serai assorti.e à Owen s’il le faut pour avoir minimum 30 % de réduction sur les perles de ce magasin. Bon ok, on peut toujours pas se lâcher la main donc on sera jamais assorti, mais le vendeur n’est pas obligé de le savoir. On peut inventer des excuses. Je commence à dire à Owen :

« Pardon, je sais que tu n’aimes pas ça… Cela dit… Ce monsieur est incroyable. »

Puis au vendeur :

« Vous êtes une perle. »

Le vendeur me fait un clin d’oeil, ce à quoi je réponds pas un sourire. On pouvait pas mieux tomber. Je suis pas sûr.e que Owen pense pareil.

Alors que je suis aux anges dans cette session shopping, et que le vendeur est aussi manifestement très content de nous avoir pour clients, Owen va totalement à l’opposé de l’ambiance. Il se débarrasse des vêtements que lui donne le vendeur, avant d’attraper un cache-oreille pour le mettre. Qu’est-ce que… ? Ce n’est pas poli ! Qu’il le dise clairement s’il veut partir, mais pas comme ça ! Il tente alors de prendre la fuite en m’emportant avec lui, mais je ne le laisse pas faire. Le vendeur pose sa main sur son épaule, déterminé à vendre des vêtements. C’est bien, monsieur, votre passion est louable. Seulement… On va partir, c’est préférable. Je pousse un petit soupir avant de faire un sourire désolé au vendeur.

« On va partir, finalement. On prendra seulement la veste et la chemise. »

Le vendeur semble contrarié, je le suis aussi, mais il n’insiste pas et nous accompagne à la caisse. Je ne laisse pas le choix à Owen, suivant le vendeur pour payer les habits. Il n’a pas intérêt à protester… De toute façon, je ne l’écoute pas. Je lui mets ensuite le sac dans les mains avant de sortir, saluant joyeusement le vendeur en lui promettant de revenir plus tard. Dehors, je me plains aussitôt à Owen.

« C’était quoi, ça ? Je ne pensais pas que tu pouvais avoir aussi peu de tenue ! Tu imagines un peu l’occasion qui vient de nous filer sous le nez… Je regrette déjà ce haut superbe, il allait super bien avec ma palette préférée. Et le pantalon, tu n’as pas dû bien regarder la coupe parce qu’elle aurait mis n’importe quel corps en avant et personne ne passe à côté de ça ! »

La liste de pièces de qualité est infinie !Mais bon… Tant pis, je reviendrai un autre jour. Je sais bien que la situation était injuste pour Owen… Il vaut mieux s’excuser, on est toujours lié et ça ne permet pas la mésentente.

« Excuse-moi de pas avoir pris en compte tes besoins. Tu es une vraie tête de mule. »

On a qu’à aller manger maintenant pour se poser après cette épisode mouvementé, tiens ! Je l’y conduis sans lui demander son avis, la nourriture est une solution qui convient à tout le monde.

Owen est très têtu, tout compte fait ! Il n’a pas décoché un mot depuis que l’on est sorti du magasin. Je n’aime pas ça, c’est ennuyeux. Il boude ? Pour quelles raisons exactement ? J’essaie bien de le faire parler mais rien n’y fait, il garde le silence même lorsqu’on commande, même lorsqu’on s’installe. Il ne me regarde même pas. C’était gentil d’avoir payé, mais il m’a ignoré pour le faire et n’a même pas relevé mes remerciements. Insupportable ! Qu’il arrête de m’ignorer comme ça pour rien, pour des bêtises ! Il mange en regardant les gens passer, et là, je pense tout à coup que s’il ne parle pas, ses oreilles sont à disposition. Je bois mon smoothie tranquillement avant de prendre la parole.

« Au fait, t’as entendu parler de Janice, dans la classe ? C’est celle qui a un rire de cheval insupportable mais qui est assez sympa pour qu’on ne lui dise rien. Bah elle est sorti avec Maxime de la classe 4-A alors qu’elle avait déjà une copine et visiblement un autre copain dans un autre pays. Le problème, c’est la copine était hyper jalouse. Louise qu’elle s’appelle. Et donc Louise a vu le message de Mathieu, l’autre copain tu suis, et elle littéralement pété un câble. Elle est donc allée voir Maxime en pensant que c’était Mathieu et ma doué elle a détruit le type. Elle l’avait vu avec Janice un jour. Le truc, c’est qu’il était pas au courant lui non plus !! Donc ils sont allé demander des comptes à Janice, en rompant finalement tous les deux. Puis ils se sont mis en couple, DEVANT JANICE ! Elle était dévastée la pauvre. C’est pour ça qu’elle pleure souvent en classe. Puis Mathieu dans tout ça, tu dois te demander… Ben figure toi qu’il lui a dit que les relations à distance c’était pas pour lui. Et elle a tout perdu, comme ça ! »

Je fais une pause pour boire et croquer dans mon chausson aux pommes. Janice m’a tout raconté parce qu’elle avait besoin de parler, ça m’arrangeait d’être là. Puisque Owen s’obstine à rester silencieux, je continue. J’aime bien parler.

« ça me fait penser ! Janice fait du bénévolat dans une asso pro-écolo, ils sont tip top là-bas… Je sais pas si tu connais cette association mais ce sont des petites perles et il me semble qu’ils travaillent avec cet établissement pour fournir en fruits et légumes locaux. C’est très important, t’es pas d’accord ? Surtout dans ce monde, il est… Moins bien préservé que d’autres, c’est dommage. Il reste potable quand même. Pourquoi je parlais de ça… Ah oui, le partenariat ! Ça change la qualité des produits. Mais un autre coin pas mal, c’est ce restaurant végétarien extraordinaire avec un menu… woaw. Il est inspiré de différents pays. C’est quoi ton coin préféré, toi ? Personnellement je ne pourrais pas choisir, certaines enseignes ne sont pas comparables. Tu vas pas comparer un resto grill avec un libanais, ou un végé avec un fast food. En parlant de fast food, celui qu’il y a à environ… Hm… 20 minutes d’ici ? C’est le meilleur de la ville. Le problème c’est qu’on y croise souvent Martha. MARTHA ! Pfff, je sais jamais si je l’aime bien, c’est une suiveuse et elle est utile, parfois elle me met sur un pied d’estale mais qu’elle est molle ! Parfois aussi réactive que toi tiens. Quoique t’es moins exaspérant. Sauf maintenant. Fin en gros y’a Martha mais y’a aussi toute sa clique d’ado retardés, et d’autres gens de l’école que personne de normal ne voudrait voir. »

Nouvelle pause pour boire et accessoirement voir si Owen a enfin décidé de parler.