Owen n’a pas compris, et je ne peux pas cacher le léger désespoir qui s’affiche sur mon visage. Il me demande alors si j’ai fini, et je pensais que c’était une vraie question avant qu’il reprenne la parole. C’est à mon tour de ne pas très bien comprendre ce qu’il me dit. Je n’ai dit qu’il était attardé… Ou l’aurais-je laissé entendre ? Il est beaucoup plus monotone qu’auparavant. Bizarre. Cependant, c’est une réaction donc c’est très bien ? Au moins il ne m’ignore plus ! Je lui souris donc, en joie car il répond enfin.

« Enfin ! J’ai cru que tu ne répondrais jamais et que tu continuerai à faire la gueule longtemps. Cela dit… Je crois que t’as pas compris ce que je voulais dire… Ce n’est pas toi, l’attardé. J’ai juste dit que tu étais un peu mou, et exaspérant, c’est tout. Les ados retardés ne concernent que Martha et sa clique, je ne te comptais pas dedans. »

Puis je fronce légèrement les sourcils en rembobinant ce qu’il m’a dit. Le haïr, moi ?

« Je n’ai pas non plus laissé entendre que je te haïssais, ne déforme pas mes propos s’il te plaît. T’es pas contagieux, en voilà des bêtises. Bien sûr, si je décidais de traîner avec toi tout le temps je pourrais dire adieu à ma popularité et ce n’est pas envisageable… Ce qui fait de toi quelqu’un de contagieux, oui, peut-être. Mais ! Il ne faut pas le voir comme ça, c’est incroyablement pessimiste. »

Je ne peux pas m’empêcher de bouger les mains en parlant, oubliant momentanément le soucis des menottes. J’embarque donc la main d’Owen pour l’envoyer directement dans son mille feuilles, dans mon élan protestataire. Aie aie aie, il va vraiment penser que je le déteste ! Il me fusille déjà du regard depuis tout à l’heure, ça ne va pas s’arranger. Je lui donne rapidement une serviette pour qu’il puisse s’essuyer la main.

« Oh noooon… Owen je te promets que je te déteste pas et je n’avais rien contre ton dessert non plus, il n’avait rien fait. Toi non plus, toi non plus et c’est le plus important. Pourquoi tu fais la tête comme ça, de toute manière ? »

Contre toute attente, Owen pouffe de rire quand j’explose son mille feuille en bougeant trop les mains. Il était pourtant sacrément énervé, à sa tête… Tant mieux si ça lui est passé. Il dit alors que ça va aller et qu’il me croit. Encore heureux ! Un peu plus et je lui aurais sortir un powerpoint pour lui prouver ce que je dis. Ça me fait plaisir, en tout cas. Il essuie nos mains et je le laisse faire, mais c’est encore collant de sucre. Erk… Il va falloir les rincer. Il admet (miracle!) qu’il aurait pu éviter le caprice. N’est-ce pas ? Il aurait pu s’exprimer normalement. On est tous les deux dépassés, c’est vrai, mais peut-être lui plus que moi. Il me le fait bien comprendre en continuant de parler.

Il ne sait pas gérer les personnalités comme la mienne et je l’ai épuisé en moins d’une heure ? C’est vexant. Il souhaite que je fasse ce que je veux et que je l’oublie. Impossible, on est lié ! Légèrement attristé.e par ce qu’il vient de dire, je bois mon smoothie en silence puisque je le dérange tant. L’oublier, hein ? Il est malin, sa présence en elle-même est une tentation pour échanger ! Je finis néanmoins par lui dire :

« Au moins tu as utilisé des mots pour t’exprimer, ce n’est pas passé par un comportement enfantin et imbuvable. »

Je ne parle plus avant d’avoir fini de manger, quand je songe tout à coup à une solution pour la glace dans les menottes. Ayant la bouche pleine, j’exprime mon eureka en tapant sans prévenir sur la table. On est dans un salon de thé, pourquoi on y a pas pensé plus tôt ! J’avale rapidement ce que j’ai dans la bouche puis j’explique :

« De l’eau chaude ! On peut demander de l’eau chaude pour faire fondre la glace plus rapidement ! »

Et on pourra se libérer plus vite, j’arrêterai de le fatiguer ! J’ai vraiment été touché.e par ce commentaire, quand bien même je n’ai pas arrêté de lui en faire de mon côté depuis le début. Je n’attends pas son avis pour le traîner jusqu’au comptoir, où je demande si l’on peut nous aider avec notre problème. Les employé.es sont sympas et nous proposent d’aller de leur côté pour faire ça. Ils ont un évier. On n’allait pas juste demander de l’eau chaude et la verser comme des cons sur les menottes et sur la table. On aurait pu aller dans les toilettes mais il y a du passage. Si l’on veut que ce soit très très efficace, on peut mettre du sel dans l’eau. Le problème c’est que ce serait trop risqué pour ma peau. Et on peut pas mettre de l’eau trop chaude, au risque de se faire mal tout les deux. On se contente donc de l’eau chaude du robinet, et ça nous permet de se laver les mains au passage.

Pffff, quelle idée d’avoir fait une glace aussi résistante ! Mon désespoir est grand, vaste, sans fond. On restera éternellement coincé ensemble… Ah non, c’est trop horrible à imaginer ! Tandis qu’il m’explique que ça ne fonctionnera pas, je pousse un soupir désespéré. Il est encore un peu énervé ? Super, toujours un plaisir de l’apprendre. Je lui prends le torchon des mains lorsqu’il termine de s’essuyer la main pour essuyer la mienne. Il suppose alors que si on les laisse davantage dans l’eau, elles vont friper et que ça risque de me déranger, au nom de la beauté.

« Si ça permet de nous libérer, crois bien que je peux mettre de côté cet aspect ! »

Je le suis dans le hall, après qu’il ait remercié et présenté ses excuses au personnel. Ça va ils étaient gentils, on ne les a pas dérangé pour si peu. Owen propose alors de continuer les boutiques ou d’aller au cinéma… Hm… Je l’épuise, autant choisir le cinéma.

« Pour ton bien, puisque je te fatigue tant, va pour le cinéma ! Ainsi tu n’entendras plus ma superbe voix, et ma personnalité ingérable ne t’embêtera pas ! Mon comportement est-il siiii fatigant, Owen ? »

Tout en lui disant ça, je sors de la pâtisserie. C’est un peu compliqué car j’oublie à nouveau les menottes et ça restreint mon théâtre. C’est difficile de ne pas laisser l’œuvre d’art que je suis s’exprimer correctement, j’en essuierai presque une larme de tristesse. Je plaisante, c’est juste ma tendance à en faire des tonnes qui ressort. Et encore, je ne lui suis pas tombé dans les bras comme je comptais le faire à la base. On prend la direction du cinéma, et je reprends.

« Je risque de t’exaspérer même dans la salle d’ailleurs, mais je ne doute pas de la réciprocité de ce sentiment. »

Devant l’établissement, on a un panorama des films à l’affiche et je n’hésite pas à donner mon avis pour chacun.

« Pas celui là, je n’aime pas l’acteur je le trouve très agaçant, toujours dans l’exagération. Lui… Pff… Est-ce que tu aimes les films de guerres spatiales ? Personnellement ça m’ennuiiiiie ! Pas le film de guerre tu vas pleurer. »

Je ris légèrement à ma blague pas drôle, avant de repérer une affiche et de lui secouer tout à coup le bras.

« Celui-là !! Il a l’air trop génial mais personne ne voulait aller le voir avec moi parce qu’il dure deux heures, et « il a l’air ennuyant ». Mais pas du tout ! C’est l’histoire de quatre sœurs, ça a l’air très beau. Autant pour les paysages que pour le scénario et les tenues. Les tenues !! ça te dit ? Cool merci t’es un amour ! »

Je lui fais un câlin avant de le traîner à l’intérieur pour prendre deux places. Owen n’a rien eu le temps de répondre, je le sais très bien mais j’ai trop envie de voir ce film !

« Au pire on va en voir un autre, de ton choix, après celui là ! »

Owen n’a pas de préférence tant qu’il ressent quelque chose, comme ça m’arrange ! Il a raison, ce serait très très triste de me refuser un si beau film, qui est-il pour me briser le cœur. Évidement je ne pense pas vraiment ça. J’aurais été déçu.e mais je m’en serais remis.e. Il me tire derrière lui pour prendre du pop corn, et je le laisse faire sans rien prendre pour moi. Même s’il propose de m’acheter ce que je veux, je secoue la tête. On vient de manger et je tiens à ma ligne. Qui voudrait gâcher un si beau corps ? Tout corps est beau, peu importe la morphologie… Je dis juste que me concernant, il est très bien comme il est.

Ensuite, c’est plus difficile que prévu pour s’installer dans la salle. Ça ne devrait pas. Pourquoi va-t-il à droite quand je vais à gauche ? Ça semble impossible de se coordonner ! Et il n’arrête pas de demander si « ici ça convient mieux ». Bof, non, ça pourrait être mieux, oui. On va finir par louper le film à chercher une place, et on agace clairement la salle avec notre indécision. Sans prendre en compte les gens derrière nous, je lui réponds donc que oui, ça convient. On ne va pas y passer notre vie non plus. C’était une erreur. Une énorme erreur. Je ne m’en rends pas tellement compte pendant les bandes-annonces car je suis moi-même occupé.e à parler. Je commente ce que l’on voit, raconte les anecdotes qui me viennent à Owen, me taisant seulement quand le film commence.

Le duo derrière nous choisit CE MOMENT pour ouvrir une multitude de paquets de bonbons et piocher dans leur pop corn. Gast. Voilà un élément difficile à gérer. Je suis d’accord pour faire ce que l’on veut avant le film, Owen l’a bien vu, mais là c’est juste pénible. Je me laisse glisser vers Owen pour poser ma tête sur son épaule.

« Les personnes derrière sont pénibles. Tu ne veux pas leur dire de se taire ? Tu leur feras plus peur que moi. Je peux essayer de les éblouir avec mon sourire mais on risque de nous demander de sortir à cause de ma beauté efficace. »

Je ris avant de prendre quelques pop corn.

« Aie l’air mécontent, comme souvent, et ça passera très bien. »

Et pendant ce temps, moi je continue à regarder mon film tranquillement. Il suffit qu’Owen se retourne avec un regard méchant pour traumatiser les gens derrière. S’ils sont jeunes. Bah, il trouvera les mots.

On les entend à peine ?! Est-il sourd ? C’est limite si on n’entend que ça, et une fois que je l’ai entendu je ne peux pas en faire abstraction de toute façon. Sinon, il pense bien que je n’aurais rien dit, je n’ai pas envie de me gâcher un si beau film à cause de deux gamines malpolies. Si je pense un instant qu’Owen ne va rien faire, il bouge finalement pour se tourner vers elles. C’est très gentil de sa part ! Il leur demande de faire moins de bruit parce que… « Mamie » a du mal à se concentrer sur le film ? Mamie comme une vieille personne ?! Nooon, il a sûrement voulu dire ma mie/m’amie, comme mon amie. Voilà, c’est sûrement ça. Je le remercie en souriant et me concentre à nouveau sur le film.

Je n’ai pas bougé de son épaule, pensant que ça ne le dérangerait pas. C’est confortable donc… C’est comme un oreiller. Owen soupire, et je me demande rapidement si je le dérange tant que ça. Il me l’aurait dit, non ? J’ai fait l’effort de ne pas lui mettre mes cheveux dans la figure, déjà. Il me sort alors qu’il plaint mon ou ma compagne, car j’ai des attitudes bizarres avec les inconnus. Bizarre ? Inconnus ? Je ris légèrement à ses préjugés qui sont, somme toute, bien bêtes.

« Je n’ai personne. Je n’ai même pas beaucoup d’ex. Imagine un peu comme c’est triste, alors que les ragots d’amour sont les plus efficaces. »

Je lâche un soupir faussement attristé avant de sourire, amusé.e.

« Tu n’es pas un inconnu, on est dans la même classe… Et tu dois être le seul à m’avoir dit que mon attitude est bizarre. Elle ne l’est pas tant que ça. Dis, toi, tu as quelqu’un ? »

Il n’a pas l’air d’être en couple. Déjà, ça ne risque pas d’être quelqu’un de la classe, je l’aurais remarqué sinon. La personne de derrière donne un coup de pied dans le siège d’Owen et, ayant ma tête sur son épaule, je ressens la secousse comme lui. Les pikez. La gamine s’excuse et Owen ne réagit pas. Je ne vois donc pas la nécessité d’intervenir… Jusqu’à ce que ça recommence, et dans son siège et dans le mien. Bien, elles cherchent des embrouilles, elle trouvent. Je me détache d’O-AH BAH NON. Les menottes, j’avais oublié. L’air boudeur, je soupire en réfléchissant à une solution.

« Owen, bouche toi les oreilles. »

Ensuite, je me redresse pour me pencher vers les gamines, je leur fais signe d’approcher, tout sourire… Et je leur balance tous les éléments clés du film en chuchotant. Réaction immédiate, elles crient de colère et tout le monde autour proteste vivement en leur disant de la fermer. Avec un sourire satisfait, je me ré-installe contre Owen tandis que les deux problèmes quittent la salle avec rage.

« J’ai lu le livre et vu d’autres versions du film. »

Bien sûr que nous ne serons plus embêté, je spoilerai quiconque perturbera notre séance. Visiblement c’est une arme efficace, autant en faire bon usage. Après avoir jugé l’adversaire, évidemment, car certains peuvent avoir des réactions disproportionnés face à ces stratagèmes. Personnellement, si on m’avait balancé le déroulé du film ainsi, j’aurais fait un scandale. Heureusement que ce n’était que deux petites pestes sans valeur. Owen reprend pour me demander si c’est mon film préféré, puisque l’histoire à l’air de m’inspirer. J’allais répondre, mais il bouge sa main sans prévenir, ayant pour effet de me faire glisser plus sur lui. Bravo, je suis mal installé.e maintenant ! Je me redresse rapidement, mettant finalement un peu de distance entre nous.

Il dit ensuite qu’il n’a personne, mais que ça ne l’intéresse pas particulièrement. Il suppose alors qu’il est peut-être trop honnête, puisqu’il est le seul à me trouver bizarre. J’ai bien compris qu’il me trouvait bizarre, pourquoi il le répète encore ! Ça ne me dérange pas qu’il le dise. En soi, ce n’est pas tellement un problème et j’assume totalement ne pas être dans « la norme » sur certains points. Je me laisse à nouveau tomber sur lui, une main sur le cœur et un air de désespoir sur le visage.

« Owen, tes mots sont si douloureux ! Arg, je les sens me transpercer comme autant d’éclats de verre… »

Puis je le regarde en souriant. Je me ré-installe correctement pour la énième fois, amusé.e. Il faut quand même lui répondre sérieusement, il pourrait ne pas comprendre que c’était une blague.

« Sincèrement, je m’en fiche. C’est bien d’être honnête parfois. Tu ne recherches pas plus… Tu veux dire que ça ne t’intéresse pas ? Ça fait du bien d’avoir quelqu’un, pourtant. Faut trier, en fait. »

Trier de quoi on veut parler avec qui, et quand on veut la présence de telle ou telle personne. Me concernant, ça me permet de parler méthodiquement sur la gueule de chacun. Pas en permanence, évidemment, mais ça fait toujours du bien de se plaindre des défauts des autres.

« Oh et, non, c’est pas mon film préféré mais il me plaît beaucoup. Ce n’est pas triste, c’est beau. Puis c’est une histoire de famille, c’est toujours agréable à voir. Même si après, la mienne me manque beaucoup ! »

Je ris légèrement, l’air léger, alors qu’à la fin du film j’aurais toutes les peines du monde à retenir mes larmes pour éviter de faire couler mon maquillage. D’ailleurs, un élément clé ne tarde pas à arriver et c’est déjà super difficile. Finalement, le film se passe sans que je pleure trop et j’en suis presque à m’auto-féliciter.

« Mon maquillage a pas coulé ? Parce que… T’as vu c’était trop beau comment ils finissent ensemble !! »

Rip le maquillage, je pleure en y pensant. Bon en même temps c’était y’a deux minutes, pas le temps de me remettre de mes émotions. Cependant, faut pas déconner, je sortirai pas du ciné avec du mascara qui coule. Je sors donc un miroir et demande à Owen, la voix toujours instable.

« T’as qu’à regarder si la glace a fondu pendant que je rattrape cette catastrophe. »

J’illustre mon propos en désignant rapidement mon visage.

Owen me tend un mouchoir, que j’utilise pour tapoter sous mes yeux et dans les coins. Je ne vais pas essuyer mes larmes comme un bourrin, ce serait un coup à avoir des rougeurs très peu esthétiques. Il fait alors remarquer que le film m’a ému.e, et qu’un maquillage plus léger me convient mieux. Tout me convient, voyons ! Je le regarde en souriant, puis je lui réponds avec modestie :

« Je suis magnifique en toute circonstance, c’est ce que tu voulais dire ? »

Je ris, ayant pertinemment conscience de ma grande exagération. Enfin… Je ne suis pas moche du tout, je le sais. Il suffit de compter les personnes qui me regardent ou m’abordent dans la rue. Parfois, c’est carrément lourd mais ce serait mentir de dire que je n’apprécie pas l’attention. Quand il demande si j’ai une épingle à cheveux, je fouille aussitôt dans mes poches pour lui en sortir une. J’ai tout ce qu’il faut pour que mon apparence reste nickel, une pince à cheveux est largement dans mes cordes. Je la lui donne et le laisse crocheter la serrure. Il sait le faire, non ? Car sinon ça ne nous avance pas à grand-chose.

Poser une question sur le sujet « famille » n’était peut-être pas sa meilleure idée après un film aussi émouvant, sur ce thème précis. Ça ne me dérange pas d’y répondre, au contraire, ça me fait toujours plaisir d’en parler. C’est juste que je risque de pleurer plus facilement.

« Oui ! Je suis déjà rentré.e pour les vacances, quelques fois… Mais là ça commence à faire long sans voir mes mères. La communauté me manque aussi beaucoup, l’ambiance d’ici est très différente ! Il n’y a même pas de fest-noz !! Je devrais en organiser, la musique bretonne est très entraînante. Et les danses… »

Je soupire pour ne pas éclater en sanglot parce que penser à ce qui me manque est parfois difficile.

« Cela dit, j’aime bien Eternia ! J’aime bien l’effervescence de la ville, ça change de notre train-train contemplatif. Il y a aussi tellement de gens à aider !! Et ils sont tous différents !! C’est beau ! Tu trouves pas ? Puis c’est impossible de connaître tout le monde… Il y a toujours de quoi rencontrer des nouvelles personnes. Bon, j’aurais bien quelques remarques à faire mais le travail d’une fée des houles est d’aider à petite échelle. Aider les gens. Même siiiiii… Tu imagines un peu, on m’a dit qu’un relooking n’était pas l’aide qu’on devait fournir ! Ce n’est pas parce qu’on est plus ou moins tous gâtés physiquement dans ma région que c’est le cas ailleurs. »

Celui qui m’a dit ça n’était pas très beau, c’est peut-être la raison de son commentaire.

« Tu t’en sors ? Et toi, tu es ici depuis longtemps ? Ta famille te manque aussi ou elle est avec toi ? »

Owen n’a pas l’air de bien recevoir ma question, c’est curieux. Il semble ailleurs, et ça dure bien dix secondes avant qu’il ne revienne à la réalité. Étrange. Il répond qu’il faut attendre encore un peu, avant de me remercier d’avoir parlé de tout ça. Ça fait plaisir à entendre, et ça fait très plaisir à raconter. S’il veut plein d’histoire, je lui en raconterai volontiers des milliers. J’aime ma communauté et ne me lasse jamais d’en parler. Ça me ramène un instant là-bas, c’est plaisant. Il ajoute ensuite qu’il est à Eternia depuis 7 ans peut-être, avant d’ajouter plein de compliment sur ce lieu, le comparant aux fonds marins. Il ne répond absolument pas à ma question.

Finalement, il nous débarrasse des menottes. Enfin !! Nous sommes libres, LIBRES ! Je lui fais un rapide câlin en remerciement, en me levant en même temps que lui. Je suis effectivement débarrassé.e de son manque de style et de son pessimisme, mais il ne devrait pas se dévaloriser ainsi ! Il n’y a pas que ça qui compte.

« Où est-ce que tu as appris à crocheter des menottes comme ça ? Tu sais le faire avec des portes ? »

Lui demandai-je tandis qu’on sort du cinéma. Dehors, il me dit qu’on a eu notre lot d’émotions pour la journée et qu’il me laisse donc tranquille. C’est vrai que c’était mouvementé, j’ai bien aimé. Cela dit, on a pas l’air d’avoir les mêmes priorités, les mêmes réserves d’énergie. Aussi, j’ai l’impression qu’il fuit. Il n’a toujours pas répondu à ma question mais… ça a l’air d’être un point sensible, je n’en tirerai rien en insistant maintenant. Peut-être plus tard, en l’amenant mieux. C’est de la curiosité, mais aussi une envie de comprendre. (bon ok, surtout de la curiosité)

« C’est amusant, non ? Je ne le referai pas de sitôt, par contre. »

En même temps, ce n’est pas tous les jours qu’on se fait autant arnaquer.

« Ce n’était pas si mal de passer du temps avec toi, en y réfléchissant. J’espère qu’on aura l’occasion de reparler. A plus tard. »

Je lui souris puis me détourne de lui, pensant déjà à ma prochaine destination. Il est un peu trop tôt pour rentrer, pourquoi ne pas aller boire un verre quelque part ?