Je m’ennuie. Beaucoup. Et nous ne sommes qu’au matin ! J’ai déjà étudié, nettoyé, lavé, cuisiné, dessiné… Toute autre tâche possible et importante à effectuer, entre hier soir et aujourd’hui. Je pourrais passer la journée à parler à des amies, mais pour l’instant nos sujets de discussion tournent un peu trop en rond. Il nous faut de nouveaux grains à moudre. Comme… Je sais pas, le nouveau style désastreux de Marta. On pourrait en parler des heures. Malheureusement, l’une de mes interlocutrices la connaît et clame que son style est très important pour s’affirmer. Je conçois, mais elle n’est pas obligée de nous rendre aveugle dans son processus identitaire.

Je décide d’aller m’amuser dehors, mon portefeuille bien rempli comme il se doit, sans plan précis. C’est peut-être pour ça que le casino me semble très attirant quand je passe devant. Je n’ai rien à faire, c’est un lieu amusant, il y a du bruit partout et l’effervescence du lieu est délicieuse. Parfait pour passer un moment amusant, pour m’occuper jusqu’au soir ! En plus, j’aurais très sûrement des choses à raconter d’ici ce soir, que ce soit par simple observation ou participation. On dit que les fées des houles sont dans la contemplation, personnellement je préfère être au cœur de l’action.  J’entre donc, échangeant directement un peu d’argent contre des jetons pour jouer.

Cependant, je ne passe qu’un temps infime devant les machines à sous, les délaissant rapidement pour aller me désaltérer. Je ne consomme pas d’alcool, pas à cette heure-là. Un cocktail de différents jus de fruits fait très bien l’affaire. C’est frais, ça fait du bien. Au bar, il y a un type blond qui se démarque pas mal du reste. Il est voyant, très bling bling. Je ne commenterai pas ce choix, je peux comprendre qu’on veuille être vu. Tant que c’est bien fait… Il ne se démarque pas seulement par son physique, mais également par son identité. Il est connu. Pas du bon côté de la force, cela dit. …Ça reste hyper intéressant ! C’est pas vraiment un type à approcher, mais… Ah, allez, qu’est-ce que j’aurais à perdre !

J’attends qu’un tabouret se libère pour m’asseoir à côté de lui, et avec un sourire, je lui dis :

« Bonjour ! Vous êtes Chris Estevare, n’est-ce pas ? Enchanté, je m’appelle Aelig. J’avais envie de compagnie pour boire mon verre, et comme par hasard ! Il y avait une place libre. »

J’indique le tabouret d’un geste ample, au cas où il ait pas vu que je ne flotte pas dans le vide. On sait jamais, et ça a plus d’impact comme ça de toute façon.

« Vous êtes ici pour faire vos trucs de méchant en buvant du détergent ? »

Je joue avec le feu ? A voir… Je ne connais pas son caractère. Le détergent, c’est sa boisson à la couleur très peu ragoutante.

Il est ici pour faire ces trucs de méchant en buvant un verre, mais il a terminé et s’ennuie depuis. Le pauvre, son emploi du temps de criminel n’a pas l’air très chargé. Je pensais que ce serait le contraire, qu’on est bien occupé en effectuant des méfaits. Il s’approche légèrement de moi, et je me penche un peu pour mieux l’entendre dans le bruit ambiant.  Moi, être sa distraction ? J’ai l’air intéressante ? Il ne pouvait pas mieux dire ! Bien sûr que je le suis. Je crois. Si je compare avec certaines personnes… Oui, oui, sûrement. Je n’en sais trop rien, disons que je me connais assez pour apprécier son commentaire à sa juste valeur.

Par contre… Distraction ? Comme un jouet ? Remarque, je lui parle exactement dans ce but. C’est donc amusant qu’il me demande ça alors que personnellement, j’ai commencé à l’utiliser sans même m’enquérir de son avis.

« Hm hm ~ Merci. Vous êtes déjà la mienne, de distraction, je suppose donc que oui, je peux être la vôtre. Bien qu’habituellement je joue les marraines la bonne fée.  »

ça peut être amusant, je ne le cache pas. Quant à marraine la bonne fée, en soit c’est pas vraiment une blague. Ça peut l’être, selon le don. J’ai pas très envie de faire une farce à un type de la mafia, cela dit. « Je prank un gars de la mafia, ça tourne mal ! » peut faire le buzz. Je m’écarte légèrement pour siroter mon verre et une question me vient aussitôt en tête.

« Mais dites, vous êtes pourtant bien entouré, pourquoi auriez vous besoin d’une autre distraction ? Ça n’implique pas des trucs bizarres, j’espère ? »

Il a raison, il n’a pas besoin d’être transformé, il a déjà ce qu’il faut. Il répond à mes questions en expliquant qu’il est là depuis plusieurs jours, il a donc pu faire le tour de tout ce qu’il y avait à voir ici. Il aime varier, et apparemment je fais partie de celles et ceux qui peuvent l’intéresser. Il l’a déjà dit. Il ajoute néanmoins de nouveaux éléments qui pique ma curiosité. Son pouvoir ? Il va devoir développer là-dessus, j’ai très envie d’en savoir plus ! Qu’est-ce qu’il a de si spécial ? J’ai probablement loupé les articles de journaux qui le mentionnaient. Quoique, ça aurait été dit de manière détournée pour pas mettre la puce à l’oreille des humains.

C’est ensuite à son tour de me poser des questions. Il me demande si je sais qu’il est, et pourquoi ça ne me fait pas peur. Facile, j’ai envie de m’amuser et il me semble abordable, plein d’histoires à raconter. Pour moi. J’aurais des choses à dire après ça. Et oui, j’ai entendu parler des affaires qui lui sont attribuées, c’est un point d’intérêt supplémentaire. J’allais répondre, mais il commande des verres. Cool ! Je profite donc pour prendre un truc bien cher, de haute qualité. Un cocktail de produits rares, toujours sans alcool. Sirotant ma nouvelle boisson, je lui réponds :

« Je sais à peu près qui vous êtes. Votre rapport avec la mafia est connu. Ensuite, je n’ai pas peur parce que… Vous n’avez pas l’air si dangereux. J’ai envie de m’amuser. Vous êtes populaire, quelqu’un d’intéressant en somme. En plus vous avez de l’argent, ça ne me dérange pas d’en profiter ! »

Je ris légèrement, dire cela ne m’inquiète pas.

« Vous avez parlé d’un pouvoir. Là, j’avoue ne rien savoir. Je lis pas tout les articles vous concernant, j’ai juste retenu votre popularité. Vous pouvez m’en dire plus ?? »

A ma question, je pose une main sur son bras, comme pour appuyer le fait que j’attends vraiment une réponse. Je sais pas si le contact le dérange, je fais rarement attention à ça avec les autres.

« J’en ai un aussi. »

L’avantage de mon pouvoir, c’est que peu importe si j’ai un humain ou autre chose en face de moi, ça passe pour une simple capacité hors norme à tout nettoyer.

Je fronce légèrement le nez quand il le touche avec son doigt. Ça donne envie d’éternuer, c’est sûrement le tissu de son gant. Quel intérêt de porter des gants en intérieur, d’ailleurs ? Il explique qu’il parlait de pouvoir politique, et je ne peux pas m’empêcher de rire. J’ai été bête ! Pas grave, il continue tout de même de parler. Il me dit que je devrais faire attention, qu’on peut m’exploiter ou m’interner. Je prends donc un air catastrophé et, le dos de la main sur mon front, je me laisse tomber sur le mafieux.

« Ma doué ! C’est un terrible avenir que vous me décrivez ! Je ne souhaite pas que ça m’arrive ! »

Il dit aussi que la plupart des gens qui ont levé la main sur lui se sont retrouvés paralysés, battus à mort, ou mort tout court… Ouah, c’est joyeux ! Il a commencé par « il parait » mais ça semblait véritable ! Je me détache de lui pour me redresser et me rasseoir correctement sur mon tabouret. Ce n’est pas parce qu’il dit des trucs flippants, mais parce que c’est plus pratique pour boire mon verre.  Il m’a demandé en quoi j’étais spéciale… S’il savait.

Mes yeux comme mon sourire trahissent mon amusement, et je ne réponds pas tout de suite. Je prends la parole après avoir bu un peu.

« Pour diverses raisons. Je n’ai pas de rumeur aussi terrible que la vôtre à dire, clairement pas. Disons que j’ai un don pour tout faire briller. J’aime que tout soit propre. Pensez-vous vraiment qu’on pourrait m’interner pour ça ? Que j’aurais l’air d’une personne pas saine d’esprit parce que je suis maniaque ? Vous êtes le plus susceptible d’avoir des ennuis, entre nous. Mafieux ou non. »

Je ne devrais vraiment pas lui parler comme ça… Difficile de mettre un filtre quand il est aussi charmeur, ça me donne envie de jouer.

Je sais que le monde n’est pas forcément agréable et que les gens sont souvent fermés d’esprit, il ne m’apprend rien là dessus. Les conséquences aussi, je les devine ou les connaît. Tout dépend de quoi on parle. Il reprend bientôt la parole, et constater qu’il a trouvé mes origines me réjouit grandement ! Ça me fait sourire, mais je ne l’interromps pas. Pourquoi il aurait des ennuis si ce n’est pas à cause de la mafia ? C’est évident. C’est parce que… Un petit ami ou une petite amie ?? J’éclate de rire, trouvant sa question très amusante. Il ne me faut pas longtemps pour reprendre mon sérieux. Hm… Drôle de supposition. Parce que mon physique est beau ? Ma race y est pour beaucoup, les fées des houles sont généralement grandes et belles. Je pourrais presque penser que lui aussi est une fée.

Je le regarde comme s’il ne voyait pas l’évidence, puis secoue la tête.

« Non, comme vous l’avez dit les gens peuvent être fermés d’esprit, je ne veux pas de ça. Je tiens à ma liberté de fé… femme ! D’autant plus qu’on risquerait de… Ne pas apprécier certains de mes talents. Oui, on peut le voir comme ça. »

Puis je lui souris.

« Vous pouvez avoir des ennuis car le comportement que vous décrivez n’a rien de commode. Pourtant vous êtes de bonne compagnie, j’ai vraiment bien fait de vous aborder. Même si vous êtes un dangereux mafieux qui tue des gens. Ouh, j’ai peur ! »

Je mime un frisson avant de rire. Franchement, c’était une très bonne idée d’aller le voir.

« Pour l’instant » ? C’est pas rassurant ! Je me doute qu’il sait se montrer peu commode, vu ce qu’on peut lire sur lui, et les affaires dans lesquels il traîne. Il se fiche des ennuis, aussi. Hm… Il doit bien craindre un type de soucis précis. Les pertes d’argent ? Le démantèlement de son organisation ? Ou alors il se croit trop fort pour ça. Amusant ~ il est un feu intéressant à manipuler. Il enchaîne en me demandant mon métier. Puis une blague sur le fait d’être femme de ménage. Eh, oh, tu vas te calmer direct, monsieur le mafieux ! J’ai une tête à nettoyer toutes les maisons ?! Ok, je le ferai probablement si on m’invite et que c’est le bordel ou que c’est sale, mais faut pas exagérer non plus. Les femmes de ménage font un boulot très noble, c’est juste pas franchement la classe.

Je fais une moue vexée, sirotant encore mon verre avant de répondre.

« Je suis peut-être une fée du logis mais je ne suis pas femme de ménage. Je suis dans la mode. »

Bon ok, techniquement je ne fais encore qu’étudier mais il n’a pas à le savoir. J’ai pas envie qu’il arrête de jouer parce qu’il me considère trop jeune ou une bêtise comme ça.

« Vous n’êtes pas très perspicace pour quelqu’un de votre envergure. »

Je lui tire la langue en conclusion. C’est un trait d’humour aussi fin que le sien précédemment. Je passe ensuite mon bras autour du sien.

« Quand vous disiez « pour l’instant »… Vous n’allez pas changer d’humeur d’un coup, j’espère ?? Façon Jekyll et Mister Hide. Restez commode, je vous aime bien comme ça. Oh dites, vous n’avez peur de rien pour ne pas craindre les ennuis ? »

Il a survécu à bien pire… Hm oui, ça doit l’aider à relativiser. Ce gars a quand même l’air d’avoir le melon, quand on l’écoute parler. Je ne le lui dirai pas, évidemment, d’autant plus qu’il explique qu’il peut changer d’humeur très vite. Seulement quand on dépasse les bornes. Je ne sais pas où la limite se trouve, avec lui, c’est bien malin de dire ça sans la définir. Quand il me demande d’où je viens, supposant que je viens de très loin, je souris. Effectivement, ça fait très loin mais pas tellement, c’est juste un monde à côté.

« Vous l’avez évoqué tout à l’heure. Techniquement, je pourrais venir de Bretagne. Ma famille a déménagé il y a très très longtemps, et en fait, je n’ai jamais vu cette région. Donc oui, je viens de très loin. »

Mon peuple habite dans le royaume des fées, mais on dirait surtout une Bretagne parallèle. C’est comme si on y était, on est juste beaucoup plus tranquille que dans un monde rempli d’humains. Je termine mon verre avant de continuer.

« Cela dit, le coin que nos ancêtres ont trouvé est aussi beau. Il a conservé ce que la région d’origine a perdu. On le voit dans les livres d’histoire. »

Ce que je dis pourrait aussi bien passer pour une famille humaine. Les migrations font l’histoire, les fluctuations de population aussi.

« Et vous, vous étiez où avant de devenir ce que vous êtes ? D’ailleurs, c’était par envie ou contrainte, le fait d’être dans la mafia ? »

Le mafieux est venu ici par nécessité, mais y est resté par envie. Pas étonnant, quand on est dans une organisation pareil et qu’on a le goût des affaires pas net. Ça reste particulier, je trouve étrange d’avoir envie de rester dans ce genre de milieu. Il décrit ensuite d’où il vient, et il ne me faut pas mille ans pour faire le lien. D’après notre conversation, j’aurais raison de croire qu’il parle du royaume des fées. Je l’écoute donc avec attention, ma curiosité piquée au vif. Quand il dit que les gens là-bas sont plus guidés par la peur de l’inconnu que l’empathie, j’ai du mal à le croire. Ça dépend peut-être des régions… Les décisions ne sont pas irréfléchies, quand même.

Il aurait pu en dire plus, son explication n’était pas très détaillée ! Mais il me demande pourquoi moi je suis ici, plutôt que de continuer. Je réponds avec un sourire.

« Par envie. Nous venons apparemment du même pays, qui est très vaste ! Dans mon coin, c’est une proposition qu’on fait aux plus jeunes pour qu’on apprenne à connaître les autres… pays.  »

Je n’allais pas dire « les autres races » alors que nous sommes bien entourés.

« Je ne trouve pas qu’on soit guidé par la peur, en tout cas. Il faut penser au bien commun avant l’individu, vous ne pensez pas ? Bien sûr, ça dépend des cas… Qu’est-ce qui a justifié votre départ ? Si c’est comme le tueur là, Javier Delapasserelle de Logonna, il fallait vraiment s’en occuper. Vous êtes dans le même cas que Javier ? »

Il est mafieux après tout, dans le fond il n’est peut-être pas net du tout. Ou alors c’est juste ce dont il parlait, quand on lève la main sur lui.

Quoi ?! Comment ça si je ne le suis pas le chapitre sera clos ? Je veux savoir la suite ! Ça ne m’inquiète pas de le suivre dans sa chambre. Ça devrait, peut-être, mais la notion de danger me passe un peu au dessus pour le coup. Il faut bien prendre des risques pour vivre des trucs cool à raconter. Enfin, pas sûr que je puisse raconter ce que je veux à son sujet, il n’avait pas l’air très content en réfléchissant. Au pire, il n’en saura rien. Je lui souris et pose une main sur son bras.

« Ne vous forcez pas si vous n’en avez pas envie. Cela dit, je veux bien vous suivre ! »

Mon sourire s’attriste un peu quand il demande si ma famille me manque. Si… Beaucoup. J’aime être ici et découvrir plein de choses, mais j’avoue que ma famille et ma communauté me manquent cruellement. Je ne me laisse pas emporter par ce sentiment pour autant, je sais que c’est pour mieux les retrouver après ! Je me reprends donc rapidement pour répondre avec légèreté.

« Si, et je suis en plus l’unique enfant de mes mères. Autant vous dire que le départ a été TRÈS difficile ! En plus c’est très différent, ici… Mais j’aime bien ! On rencontre des gens intéressants, il y a de tout. J’aime bien cette diversité. Vous pensez quoi de cette ville, vous ? »

Le point de vue d’un mafieux peut être intéressant à entendre, je n’ai aucune idée de comment il voit les choses. Déjà, s’il pouvait me raconter la suite de son histoire ce serait pas mal, j’ai envie d’en savoir plus. C’est purement intéressé.

Qu’il est pessimiste, c’est pas croyable ! C’est son implication dans la mafia qui fait cet effet ? Vraiment, quel terrible état d’esprit, à toujours souligner le mal. Il donne des points positifs pour contrebalancer, mais je retiens  surtout qu’il a commencé par le négatif. Je fais une moue, sa vision des choses me déplaît un peu. Mon mécontentement s’efface à la vitesse de l’éclair quand il me propose de monter dans sa chambre. Je préfère ça ! Je me lève à mon tour pour le suivre, riant un peu à sa remarque. Oui, puis c’est surtout lui qui sait où est sa chambre, ça ne me servirai à rien de passer devant sans connaître la route. Je lui réponds avec amusement :

« La galanterie est une notion un peu vieillotte, je trouve. Pas toujours appropriée, ou parfois réductrice. Vous voyez ce que je veux dire ? »

Au fond il ne sait même pas si je suis réellement une dame. Je fais attention de ne pas le perdre de vue ou de ne pas me laisser distraire. Ça, ce n’est pas très difficile, il est actuellement l’attraction principale de mon esprit. Ma curiosité est d’autant plus avivée maintenant qu’on va dans sa chambre. Toujours pas d’inquiétude sur le danger qu’il peut représenter.

« Dites, vous n’allez pas me tuer après avoir raconté votre truc, n’est-ce pas ? »

Si tel est son plan il ne le dira pas de toute façon, je suis pas stupide. C’est une semi-plaisanterie.