C’est quoi cette réponse inquiétante ?! Il ne répond pas vraiment, en plus ! Ô ma doué je vais mourir, c’en est fini de moi, tout ça parce qu’un type de la mafia charismatique est trop intéressant pour que je passe à côté. J’avoue, je n’ai aucun regret, je profiterai de l’occasion jusqu’au bout. Je devrais être journaliste de l’extrême, en fait. Laisser tomber la mode et prendre des risques pour alimenter la page des ragots de la gazette de la commune. C’est beaucoup pour pas grand-chose, mais si c’est ce qu’il faut… On arrive à sa chambre et je le suis à l’intérieur malgré son espèce de blague chelou pas drôle. Je ne manque pas de lui dire en allant m’asseoir sur le lit.

« Vous n’êtes vraiment pas drôle ! J’en viens à penser que si vous tuez des gens, c’est pour ne pas ébruiter la rumeur de votre humour inquiétant ! »

Je lui souris légèrement avant de parcourir la suite du regard. Beaucoup de doré, il doit énormément aimer cette couleur. Je me lève ensuite pour aller observer la vue de la fenêtre, puis je me tourne vers lui.

« Vous n’avez rien à boire, ici ? C’est toujours mieux de bavarder autour d’un verre, comme tout à l’heure. Pas nécessairement de la liche, cela dit… Sauf si c’est la seule chose que vous avez.  »

Je n’aime pas boire en journée, ou alors rarement. Ce n’est pas le moment pour ça. Pourtant, je tiens plutôt bien l’alcool et j’aime bien le goût. Je trouve juste que ce n’est pas approprié.

Ok, j’ai dit que j’évitais l’alcool en journée mais il a de l’hydromel, le cousin du chouchen, et c’est beaucoup trop bon pour que je passe à côté. C’est très sucré et j’aime bien ça, le goût d’alcool caché par le miel. Dommage qu’il n’y ait pas la touche de pomme qu’on trouve dans le chouchen.

« Vous avez de l’hydromel ! Vous pouvez m’en servir un verre, s’il vous plaît. »

J’aurais bien fait le service moi-même mais je ne sais pas où sont les verres. Je le laisse donc faire avant de le remercier et de m’appuyer contre le rebord de la fenêtre pour boire. Elle n’est pas ouverte, je ne l’aurais pas fait, sinon. Je ne pense pas que ce soit une idée merveilleuse de s’asseoir à proximité du vide quand le type en face de vous n’était pas clair sur ses intentions (tuer ou pas) et qu’en plus c’est un mafieux. Mais je caricature peut-être.

« Alors alors, qu’avez vous à raconter ?? Plein de choses je suppose ! Vous n’avez pas à épargner les détails, je peux tout entendre. Sinon je ne vous aurez pas suivi. »

Pour le bien de ma curiosité malsaine, j’ignorerai ma sensiblerie. Je plaisante, je vomirai dans mon verre si c’est vraiment trop hardcore. Ça m’étonnerait que ça le soit vraiment.

Amusant ou malsain ? Hm… C’est amusant pour moi de collecter des données sur tout le monde, d’avoir plein d’histoires à raconter. J’aime ça, parce que ça me donne de la conversation de parler sur les autres. Tout le monde aime de temps en temps bitcher sur untel, ou entendre des histoires peu communes. Les personnes à qui je parle régulièrement aime ça tout autant que moi. Je n’ai jamais songé que c’était malsain, personne n’est forcé. Je hausse donc les épaules avec un sourire légèrement désolé.

« Malsain me paraît exagéré. »

Je bois tranquillement tandis qu’il m’explique les problèmes liés à son pouvoir. C’est stupide de vouloir faire regretter quelqu’un parce que son pouvoir effraie… On ne décide pas ces choses là. La réponse à ses questions est évidente. Tellement évidente que je crois un instant qu’elles sont juste rhétoriques et qu’il n’attend pas que je réponde vraiment. Pourtant, il ne reprend pas la parole. Il y a un flottement avant que je dise :

« Je le sais, évidemment. »

Et c’est triste et injuste. Je me sépare de la fenêtre pour m’approcher de lui.

« C’est une situation bien triste… Cependant, ne trouvez-vous pas mieux, justement, que l’on vous fasse partir ? Vous auriez rencontré le même problème plus tard. Mais continuez, je n’ai pu que supposer la suite et vous n’avez pas fini de raconter, non ? »

Son histoire est hyper intéressante, c’est génial ! Mes yeux pétillent d’entendre ce genre de détails, que je vois plus dans les films ou les romans. Ça lui fait une vie très palpitante, c’est trop cool !

« Et donc vous avez pris leur place ! Quelle force ! »

Il a conclu en disant que son histoire n’était pas très jolie, et qu’elle était courte. C’est vrai qu’elle l’était, j’aurais apprécié plus de détails. Cependant, je suppose que je peux me satisfaire de ça… Non. Je lui souris après avoir bu dans mon verre.

« Vous ne mettez pas beaucoup d’émotions dans vos mots. À part le sadisme évident dont vous faites preuve, je n’ai rien ressenti qui percute vraiment. C’est dommage !! Ne voudriez vous pas recommencez, de manière plus… vivante ? Le combat final par exemple ! »

Quelle est cette manie qu’ont les gens à tout raconter à la va vite, comme si leurs histoires ne comptaient pas ?! Personnellement, je peux faire une aventure d’un voyage au lavomatique et ça ne sera même pas ennuyant.

« Allez-y, je veux du théâtre. »

Je ne devrais pas lui parler comme ça, mais qui sait... Il est déjà très charismatique, apporter plus de vie à ses mots ne le rendra que plus attirant, et c’est important quand on fait partie du crime organisé, non ?

Ce type n’est vraiment pas drôle ! Je pousse un soupir exaspéré en entendant ses explications, effectivement déçu.e. Raconter peut être un moyen d’être au centre de la scène, il y a de nombreuses manières d’exister devant les autres. On peut les varier, elles sont toutes plus ou moins intéressantes. Je fais une petite moue et lui dis, avant de terminer mon verre :

« Vous êtes décevant, oui. Heureusement que vous n’avez pas que ça à dire. »

Ce qu’il dit sur le maire, par exemple… Je ne m’intéresse par trop à ces histoires de taxes, la politique n’est pas mon domaine préféré. Même si j’ai rapidement appris le nom du maire ou les éléments principaux à l’organisation de la ville, je ne m’y ai jamais accordé plus d’importance que ça. Je trouve ça ennuyant à la longue.

« Étant donné que vous êtes dans la mafia, vos fréquentations ne doivent pas être d’une grande fiabilité, non ? Ou le sont-elles étonnamment ? D’ailleurs, vous accordez une protection contre rémunération ou pas ? Ce serait bête de leur imposer des charges supplémentaires s’ils croulent sous les taxes. »

Je finis en haussant les épaules, puis je lui souris.

« Je n’y connais rien, à tout ça. »

Il me fait rire à dire qu’il pourrait être encore plus décevant juste pour voir une expression particulière. Ce n’est pas très amusant d’être décevant, je trouve… Il m’explique que pour lui, personne n’est fiable et que les gens s’utilisent les uns les autres. C’est vrai, même implicitement l’utilisation se fait. Ça peut servir comme desservir les autres, mais je pense que ça sert un jour ou l’autre. Selon lui, mes remarques sont très pertinentes. Je n’en doute pas, je suis doué.e pour ça. Les remarques pertinentes, oui, c’est un domaine d’expertise. C’est grâce à ça que je peux critiquer tout le monde, et donc les aider d’une certaine manière !

Il ajoute ensuite qu’il ne demande pas d’argent en échange de ses services, mais plutôt un soutien ou un autre service. Normal… Bien que chez moi, les dons sont plus souvent de nature désintéressée. On ne demande (normalement) rien en échange. Je vais chercher la bouteille pour me servir un autre verre, lui demandant au passage s’il en veut également.

« C’est très positif, comme manière de faire ! Personnellement je n’aurais pas le réflexe de demander un service en échange, ça dénaturerait le don. Mais du coup, si les personnes n’apportent pas de soutien ou ne rendent pas service, que faites vous ? »

Il les tue comme dans les films ? Son discours actuel est d’ailleurs assez contrasté avec ce qu’il a dit plus tôt, sur le fait de tuer les gêneurs. J’aime bien cette nuance.

« Vous ne leur faites pas des misères pour si peu, j’espère ?  »

Comme ce doit être compliqué à gérer ! Ça ne me semble pas très honnête non plus, je ne suis pas sûre de bien apprécier ce qu’il dit… Cependant, il a un business à gérer, et pas n’importe lequel. Il n’a pas vraiment le choix d’agir ainsi, il en va de la crédibilité de son organisation. Ça reste quelque chose de totalement étranger pour moi, de quoi attiser toujours un peu plus ma curiosité. Les questions que j’ai ne concernent pas directement ce qu’il vient d’expliquer, elles sont plus personnelles. Car il ne fait que rester en surface, je n’ai pas vraiment son ressenti et c’est dommage. Je ne me gêne donc pas pour exprimer mes pensées.

« Qu’est-ce que vous pensez de tout ça ? Je me doute bien que vous vous y êtes habitué, mais vous n’êtes pas un robot ! Aussi… Ne pensez-vous pas que le pays a bien fait de vous expatrier vu comme vous avez évolué ? On peut se dire que l’exil forcé est ce qui a provoqué la situation actuelle, mais elle aurait pu rester inchangée même sans exil. »

Je le provoque, mais j’ai envie qu’il me raconte des trucs intéressants, moi. Pas que ces paroles précédentes sont ennuyantes, je les retiens même très bien pour l’avenir… Cela dit, on peut creuser beaucoup plus loin. Oui, c’est totalement intrusif.

« Personnellement je pense que certaines choses sont inévitables. Et vous ? »

Oulah ! Je savais bien toucher un point sensible en lui disant ça, mais sa réponse directe est impressionnante ! Certes, il avait prévenu précédemment et je sais que je joue avec le feu… Ah, mais c’est plus fort que moi, l’appel du drama est irrépressible. Je ne sais pas si ça changera un jour, sauf s’il me tue là maintenant, je n’irai pas très loin dans ma folie des grandeurs émotionnelles. Je ris légèrement, en pleine conscience du danger qu’il vient d’énoncer. C’est pour détendre l’atmosphère… En tout cas, je ne reste pas du côté de la fenêtre. Je m’éloigne de côté de la porte, de telle sorte que s’il souhaite me pousser dans le vide, il devra me traîner d’abord. Ou utiliser son pouvoir.

Maintenant loin de lui, je m’assois comme si de rien n’était sur l’un des meubles, pour siroter mon verre comme s’il ne m’avait pas menacé de mort. Je ne cache pas avoir eu un coup de flippe, mais… et bien… c’était un risque connu. Puis je ne vais pas me montrer trop impressionné.e par son pouvoir de mafieux. Autant magique que politique, dans son cas.

« Qui sait… Peut-être ? Même si, sincèrement, je ne souhaite pas que ça m’arrive. Mes questions vous ont tant que ça touchées ? Je vous pensais plus solide, c’est pour ça que j’ai osé les poser. »

Je hausse les épaules comme s’il s’agissait seulement d’un triste malentendu, fixant un instant le contenu de mon verre. Je lève la tête pour lui sourire et reprends :

« Quoiqu’il en soit… excusez-moi. »

Je ne suis pas désolé.e, mais c’est mieux d’être poli.

Il ne rigole plus. Il n’était pas beaucoup plus drôle avant, mais là… Ma curiosité et mon envie d’histoire ne surpasse pas mon envie de vivre. Si je le pousse davantage dans ses retranchements en posant des questions gênantes, ça risque de dégénérer à un point que je ne veux pas voir. C’est un homme susceptible pour pas grand-chose, on dirait. Bien sûr, j’aurais pu tenter d’aller plus loin, s’il n’avait pas retirer son gant après avoir dit quelque chose de menaçant. Je ne suis pas stupide au point de me mettre inutilement en danger. Jusqu’à maintenant, je trouvais la situation n’en représentait pas vraiment un.

« Non, je pense que ça sera tout. Vos histoires ne m’intéressent pas plus que le fait de rester en vie et en bon état.  »

Je termine ensuite mon verre et descends du meuble avec légèreté. Puis, malgré sa menace, je lui souris.

« Je vais vous laisser, mon imbécillité pourrait être contagieuse. Même si, je pense que vous m’avez mal évalué... J’ai le mérite de ne pas avoir votre caractère. Au revoir. »

Je le salue rapidement et n’attends pas pour prendre congé. Là, j’avoue, je n’ai vraiment pas fait preuve d’intelligence. Le problème, une fois dehors, c’est que je dois regagner le casino. Et donc trouver l’ascenseur ou les escaliers. Alala… Chose rassurante, je ne risque pas grand-chose en m’étant éloigné.e de lui.

Il fallait que je me fasse aborder par deux types en cherchant la sortie… Je n’ai même pas eu le temps de m’y mettre sérieusement, d’ailleurs. L’un me tapote l’épaule et me demande si j’ai besoin d’aide, l’autre insiste en supposant que je suis perdu.e. Je n’aime pas le ton dans leur voix. Faisant de mon mieux pour ne pas trahir mon inquiétude, je réponds comme si de rien n’était que je me débrouille très bien et que je n’ai pas besoin d’aide. Ça n’a pas l’air de leur plaire, alors j’opère une retraite vers la suite du chef de la mafia. C’est la meilleure solution, je crois ? Il vaut mieux un moment gênant avec un type dangereux qu’un viol avec des types louches dans un coin sombre. Tout est préférable à ça.

Ils ne démordent pas et me suivent, me proposant un autre chemin. Genaoueien, kae da strakal brulu war ar Menez Are ! Qu’ils sont pénibles et oppressants ! Je leur déconseille vraiment d’insister. Pourtant, c’est ce qu’ils font jusqu’au bout. Je n’attends donc pas pour frapper à la porte de Chris lorsque j’y arrive, espérant très fort qu’il va l’ouvrir même s’il était de mauvaise humeur lorsque je l’ai quitté. L’un d’eux me saisit le bras avant que la porte s’ouvre et j’avoue que je commence à paniquer. Mon peuple est pacifique non-violent, j’ai de la force grâce aux tâches quotidiennes et au sport que je fais mais… Je n’ai jamais appris à l’employer pour éclater la tête de quelqu’un. Par contre, j’ai une bombe lacrymo et je peux l’utiliser, pourquoi je n’y ai pas pensé avant ? C’est ce que je fais, droit vers leurs visages. Ça les paralysera un temps.